Arguments en faveur de spécialistes en éducation physique et en éducation à la santé
Publié précédemment dans le volume 81, numéro 3
Comme la plupart des enseignantes et enseignants, il m’arrive de passer une partie de la nuit à penser à ce que je pourrais faire pour aider davantage mes élèves. Je ne m’inquiète pas d’avoir à leur enseigner des concepts mathématiques compliqués ou des trucs essentiels pour décoder et comprendre un texte.
Je suis un enseignant d’éducation physique. Les habiletés que j’enseigne aux élèves ne les aideront peut-être pas à être admis à un prestigieux programme universitaire, mais elles leur permettront de devenir des adultes sains et actifs. Ce que j’enseigne tous les jours est aussi essentiel que la lecture, l’écriture et les mathématiques.
Enfants canadiens à risque
Les statistiques du gouvernement canadien révèlent que les taux d’obésité des enfants et des jeunes Canadiens ont quasiment triplé au cours des trois dernières décennies. Le plus récent Bulletin sur l’activité physique chez les enfants et les jeunes de ParticipACTION indique qu’un déplorable 14 % des enfants de 5 à 11 ans s’adonnent à la quantité minimum de 60 minutes d’activité physique modérée à vigoureuse (APMV) par jour qui est recommandée. Ce pourcentage est encore plus effroyable chez les jeunes de 12 à 17 ans, se chiffrant à seulement 5 %.
Imaginez si seulement 14 % des enfants canadiens lisaient au niveau de lecture escompté dans leur année? Les parents réclameraient probablement un remaniement complet du système d’éducation. Pourtant, les parents ne font pas de piquetage devant le ministère de l’Éducation pour exiger de nouveaux résultats en éducation physique.
Enseignants titulaires : priorités conflictuelles
En réalité, dans la plupart des régions de l’Ontario (et du Canada), l’enseignement de l’éducation physique dans les écoles élémentaires est généralement confié aux titulaires de classe. Vous savez, ces mêmes enseignants qui perdent du sommeil parce que la petite Nadia a du mal à comprendre un passage écrit ou parce que Nathaniel a de la difficulté avec les divisions longues. Ces enseignants ont déjà assez de pain sur la planche, n’est-ce pas? La plupart d’entre eux n’ont simplement pas le temps, l’énergie et les connaissances de base requises pour explorer à fond le programme d’éducation physique, même s’il s’agit d’une matière essentielle.
Pourquoi un spécialiste?
J’arrive à comprendre à fond toutes les particularités et subtilités des programmes d’éducation physique parce que je fais partie d’une espèce rare : enseignant d’éducation physique à l’élémentaire. En 2003, seulement 39 % des écoles canadiennes disaient confier l’enseignement de l’éducation physique à des spécialistes (Cameron, Craig, Coles et Cragg, 2003). Pourquoi s’en inquiéter? Vous n’aimeriez pas qu’un enseignant de biologie enseigne à lire à votre enfant, n’est-ce pas? Vous voudriez plutôt que cette tâche revienne à quelqu’un qui se passionne pour la lecture.
Ceci s’avérerait inacceptable dans d’autres domaines également. Si un enseignant de mathématiques ne faisait pas vivre aux élèves des expériences d’apprentissage qui leur permettaient de réussir, les directions d’école et les parents seraient très mécontents. Une réunion serait organisée avec des collègues, des gestionnaires, des parents et des spécialistes. Il y aurait plusieurs tentatives pour trouver une solution et un plan d’action serait adopté. C’est ce à quoi s’attendraient les parents. De fait, la plupart l’exigeraient.
Et pourtant, nous avons des enseignants sans formation adéquate qui essaient d’enseigner aux enfants la maîtrise d’habiletés motrices de fondamentales. Même si ces enseignants ont de bonnes intentions, la plupart ne savent même pas qu’il y a des habiletés motrices fondamentales à maîtriser. Ils n’ont pas les connaissances requises pour faire vivre aux enfants des expériences d’apprentissage de qualité en éducation physique.
Grands enjeux
En n’enseignant pas efficacement les habiletés motrices fondamentales aux élèves de l’élémentaire, nous ratons constamment la chance de les lancer sur la voie du succès.
La présence de spécialistes en éducation physique au fil des importantes années de développement à l’élémentaire est jugée essentielle pour aider les enfants à acquérir les habiletés, les connaissances, les attitudes et les bienfaits de santé nécessaires afin d’opter pour des modes de vie sains et actifs (Mandigo et coll., 2003). Voilà pourquoi, quand je vois un enfant qui n’arrive pas à courir comme il faut, je passe immédiatement en mode enseignant. Je jase avec cet enfant. Je tente de lui démontrer par l’exemple comme courir correctement. Je lui donne plein d’occasions de s’exercer en s’adonnant à une variété de jeux amusants et actifs. C’est ce que font tous les bons enseignants.
C’est ce même enfant qui a de la difficulté à courir qui m’empêche de dormir la nuit et c’est la même chose pour les autres enseignants d’éducation physique. Il est essentiel d’enseigner à cet enfant à courir de la bonne façon. Et ce n’est certainement pas quelque chose qui doit passer à travers les mailles du filet. Une récente étude révèle que les personnes qui maîtrisent de bonnes habiletés motrices à six ans sont plus actives à 26 ans que celles dont les habiletés sont moins développées (Lloyd, Saunders, Bremer et Tremblay, 2014). L’intervention et l’éducation précoces assurées par une personne compétente constituent l’approche la plus efficace pour aider cet enfant à acquérir les habiletés et la confiance en soi nécessaires pour courir ainsi que la motivation voulue pour essayer et apprendre.
Tous les enfants méritent d’être enseignés et guidés par un spécialiste en éducation physique qui sait pertinemment bien quoi observer et quoi faire pour aider les enfants à s’épanouir au gymnase et sur le terrain.