Astuces et stratégies pour les enseignants : promouvoir des conversations respectueuses et neutres sur le poids en classe
Les résolutions du Nouvel An renforcent souvent des standards nuisibles liés à l'image corporelle et à la culture des régimes, mais les enseignants ont un rôle unique à jouer dans la promotion de la diversité corporelle et la démolition de la stigmatisation du poids. En entrant dans une nouvelle année, réorientons le discours et célébrons les différentes facettes de notre identité. Les résolutions du Nouvel An peuvent être l'occasion de discuter et de créer des habitudes qui célèbrent la diversité corporelle, d'analyser de manière critique les messages sur les corps que l'on voit sur les médias sociaux et de commencer à écouter davantage nos corps.
Le rôle des enseignants d’EPS dans le changement de discours
Le milieu scolaire est un environnement commun où les jeunes sont confrontés à la stigmatisation liée au poids par leurs pairs et leurs enseignants, ce qui entraîne des perceptions négatives de la santé et nuit à l’expérience éducative (Nutter et al., 2019). Les enseignants ont donc un rôle important à jouer pour faire évoluer le discours sur les corps. Les préjugés liés au poids sont fréquents dans les établissements d’enseignement (Nutter et al., 2019). Par exemple, dans une étude menée par Puhl, Heuer et Browness (2010), « de la maternelle à l’enseignement supérieur, les enfants en surpoids sont souvent considérés comme paresseux, moins productifs, moins intelligents et moins désirables socialement » (cité dans Finn, Seymour et Phillips, p. 636, 2020). Pour soutenir les élèves qui en ont besoin, les enseignants doivent créer des environnements inclusifs qui démantèlent les préjugés et créent des opportunités de conversation.
Au lieu de nous fier à nos préjugés personnels sur ce qui est sain ou malsain, nous pouvons apprendre que tous les aliments contribuent au bien-être de différentes manières : physique, mentale, émotionnelle, sociale et spirituelle. Si nous classons les aliments en fonction de nos propres préjugés, nous risquons plutôt d’associer des caractéristiques et des stéréotypes négatifs liés au poids aux personnes qui les consomment (Tingle et al., 2023, p. 54). Avant de nous engager dans la voie du changement, il est normal de reconnaître l’ampleur de la tâche. Beaucoup d’entre nous ont grandi dans un monde entouré de discours sur les régimes et de préjugés sur le poids. Cependant, pour soutenir nos élèves, nous devons reconnaître l’existence de ces préjugés, y réfléchir et intégrer des approches neutres sur le plan du poids dans nos conversations.
Démystifier les messages et les idées reçues sur les régimes alimentaires dans les médias sociaux
En tant qu’enseignant en EPS, nous devons aider nos élèves à adopter un regard critique face aux messages véhiculés par les médias sociaux et à soutenir les compétences d’habileté numérique. Ce faisant, nous pouvons comprendre les informations et éliminer les préjugés et la stigmatisation qui sont présents lorsque l’on parle des corps. Il existe de nombreux comptes de médias sociaux qui abordent la santé et le bien-être d’une manière inclusive et neutre sur le plan du poids. L’importance historiquement accordée à la minceur continue cependant de marquer notre époque (Strings, 2019). Les idées entourant les attentes et les comparaisons en matière de corpulence trouvent écho dans les régimes, les restrictions alimentaires et les nouvelles tendances corporelles des célébrités (Papageorgiou, Fisher & Cross, 2022, p.5). Bien qu’il existe une grande quantité de médias problématiques, il convient de se concentrer sur l’éducation aux médias numériques et sur l’examen critique de l’influence des médias sociaux. Les enseignants en EPS peuvent s’engager dans les activités suivantes avec leurs étudiants :
1. Amorcer la démystification d’idées reçues en lien avec les régimes alimentaires en explorant les données statistiques probantes.
Le saviez-vous?
- Environ 80 % des pertes de poids à long terme échouent (Wing & Phelan, 2005)
- 95 % des régimes sont suivis d’une reprise de poids, et environ un à deux tiers des personnes finissent par dépasser leur poids de départ (Mann et al., 2007; Siahpush et al., 2015)
L’échec d’un régime peut entraîner la honte, la culpabilité et le doute. Au lieu de se concentrer sur une résolution du Nouvel An ou un régime à la mode, demandez aux élèves de réfléchir à des façons d’aimer notre corps et d’enrichir notre âme.
2. Aider les élèves à améliorer leurs compétences d’habileté numérique.
En utilisant les compétences d’habileté numérique, commencez à jeter un regard critique aux messages véhiculés sur les médias sociaux. Discutez ouvertement avec les élèves de la culture de l’alimentation et de ce que les médias sociaux perpétuent. Examinez ce que les individus ressentent lorsqu’ils voient un message particulier ou lorsqu’ils entendent des discussions sur ce sujet. Il suscite peut-être des sentiments de gêne, de honte ou de culpabilité. Utilisez-le comme point de départ pour aborder la neutralité corporelle et des moyens holistiques de prendre soin de notre corps, de notre esprit et de notre âme. Le concept de neutralité corporelle met l’accent sur la fonction du corps, plutôt que sur la beauté, et relativise l’importance du corps dans la valeur personnelle; le corps n’est qu’une partie de notre identité (Raypole, 2020). Au sein d’une classe, les discussions peuvent intégrer les activités suivantes :
- Apprendre aux élèves à comprendre l’origine des discours - les discours ne s’appuient pas nécessairement sur des preuves.
- Organiser des activités hebdomadaires d’éducation. Commencez par réfléchir, en classe, aux moyens de nourrir votre corps en tenant compte des différents paramètres du bien-être (physique, mental, émotionnel, social et spirituel). Considérez cela comme un moment bien-être pour votre classe, avec des activités, des pistes de réflexion et des articles.
3. Comprendre que la taille du corps dépend de nombreux facteurs différents - Notamment génétiques, épigénétiques, environnementaux et sociaux.
Célébrez la beauté dans la diversité de nos corps tels qu’ils existent. Voici quelques suggestions d’activités pour ce faire :
- Créer un mur « À propos de nous » dans votre salle de classe qui met l’accent sur les différentes intersections qui constituent notre identité.
- Cercles de partage hebdomadaires : Demandez aux élèves d’apporter ou de présenter quelque chose qui définit leur identité et de le partager avec la classe.
- Réflexions des partenaires: Demandez aux élèves d’écrire une caractéristique non physique de leur partenaire qui les a aidés dans leur apprentissage. Par exemple, « mon partenaire m’a posé des questions perspicaces qui m’ont permis d’approfondir ma réflexion sur mon sujet » ou « mon partenaire m’encourageait continuellement pendant que nous jouions au badminton ».
- Cartes de courage: Créez des cartes de courage dans votre classe en demandant aux élèves d’écrire une activité ou un choix courageux qu’ils ont fait. L’objectif consiste à aider les élèves à se concentrer sur leurs propres forces, tout en renforçant leur relation avec leur corps. Il est difficile d’être courageux, mais si nous lui faisons confiance, notre corps peut accomplir des choses remarquables!
4. Renforcer la confiance corporelle.
De nombreux régimes suivent un programme strict qui dicte aux individus quoi manger, à quel moment et en quelle quantité. Or, cela va à l’encontre de tout ce que l’on nous a enseigné en tant qu’êtres humains. Depuis notre naissance, nous écoutons les signaux de faim et de satiété de notre corps. Cependant, avec l’âge, cette relation de confiance s’estompe, et nous nous tournons vers des entreprises ou des programmes qui prétendent vouloir la rétablir. Commencez à discuter des signaux que vous donne votre corps et apprenez à vous y fier. Pour aller plus loin dans la compréhension de notre corps, vous pouvez commencer à explorer les émotions. Une excellente ressource est le jeu de cartes social et émotionnel d’Ever Active Schools, disponible ici. *ressource disponible en anglais uniquement.
Conseils aux enseignants pour des approches et des conversations neutres sur le plan du poids
Le thème du corps étant devenu prédominant dans les cours d’éducation physique et de santé, il est important de reconnaître le rôle que jouent les enseignants dans la promotion d’un environnement scolaire neutre sur le plan du poids. Encouragez les élèves à être attentifs à ce qu’ils ressentent dans leur corps après avoir mangé des aliments particuliers ou effectué un mouvement spécifique. Dans une salle de classe neutre sur le plan du poids, les élèves devraient se sentir à l’aise d’écouter leur corps, lui faire confiance et savoir que leur identité est le fruit de plusieurs intersections.
Mais que se passe-t-il si, dans votre classe, un élève vous dit qu’il veut perdre du poids? Que se passe-t-il si votre collègue commence à parler de sa résolution de perte de poids pour la nouvelle année? Cela peut s’avérer difficile, mais voici quelques pistes de conversation qui peuvent vous aider à vous y retrouver :
Étape 1 - Validation
Cela pourrait ressembler à ce qui suit
« Je peux comprendre que vous souhaitiez perdre du poids parce que notre monde est très axé sur l’apparence physique, j’imagine que vous avez été exposé à de nombreux messages provenant de la culture des régimes, et vous avez peut-être l’impression que c’est quelque chose qui pourrait vous aider à vous sentir mieux ou différent à propos de vous-même. »
Étape 2 - Psychoéducation et fixation de limites.
Cela pourrait ressembler à ce qui suit :
« Le plus difficile, c’est que TikTok et les médias sociaux sont remplis d’informations erronées. Les régimes sont en fait très inefficaces à long terme. Saviez-vous que 80 % des régimes et des tentatives de perte de poids échouent et présentent un risque de prise de poids supplémentaire? De plus, la perte de poids n’est pas une chose sur laquelle on a un contrôle total, ce qui peut entraîner un sentiment de découragement ou l’impression de faire quelque chose de mal alors que ce n’est pas le cas. »
Étape 3 - Aide à la redéfinition des objectifs fondés sur des valeurs.
Cela pourrait ressembler à ce qui suit :
« Qu’est-ce qui est important pour vous dans le fait de perdre du poids? (Identifier les valeurs. Il s’agit de l’acceptation sociale, de l’estime de soi, de la santé). Pensons à un objectif SMART (spécifique, mesurable, à sa portée, réaliste et temporel) qui vous permettra de vous rapprocher de ce qui vous tient le plus à cœur.
Voici quelques exemples de la manière dont nous pouvons utiliser la définition d’objectifs SMART en classe :
- Santé physique: Se fixer un objectif de séances hebdomadaires d’activité physique intentionnelle (par exemple, aller se promener avec des amis, jouer à la récréation, aller à la salle de sport). Il pourrait aussi s’agir d’incorporer chaque jour un aliment riche en nutriments et un aliment source de joie. Ce sont là des mesures spécifiques, mesurables, pertinents par rapport à l’objectif et temporels.
- Estime de soi: Les objectifs peuvent inclure des pratiques de soins personnels (par exemple, un bain moussant, la lecture d’un livre) et des activités motrices joyeuses (par exemple, aller se promener, promener un chien).
- Acceptation sociale: Les objectifs peuvent évoluer en projets sociaux, accroître la socialisation en classe, inciter à l’inscription à des clubs ou à des équipes scolaires.
Si nous voulons commencer à créer des environnements de classe inclusifs et neutres sur le plan du poids, nous devons examiner de manière critique nos préjugés afin d’évaluer, de remettre en question et de nous désengager des systèmes dans lesquels nos perspectives actuelles sont enracinées. Même si cela peut sembler décourageant, de petites mesures au quotidien peuvent déboucher sur de grands changements au fil du temps. Peut-être s’agit-il de votre résolution du Nouvel An?
Références:
Mann T, Tomiyama AJ, Westling E, Lew AM, Samuels B, Chatman J. La recherche de traitements efficaces pour l'obésité par Medicare : les régimes ne sont pas la solution. Am Psychol. 2007 avr;62(3):220-33. doi: 10.1037/0003-066X.62.3.220. PMID: 17469900.
Nutter, S., Ireland, A., Alberga, A. S., Brun, I., Lefebvre, D., Hayden, K. A., & Russell-Mayhew, S. (2019). Les préjugés liés au poids dans les milieux éducatifs : une revue systématique. Current Obesity. Reports, 8(2), 185–200. https://doi-org.login.ezproxy.library.ualberta.ca/10.1007/s13679-019-00330-8
Papageorgiou, A., Fisher, C., & Cross, D. (2022). « Pourquoi est-ce que je ne ressemble pas à elle ? » : Comment les adolescentes perçoivent les médias sociaux et leur lien avec l'image corporelle. BMC Women Health, 22(1), 1-13. https://doi.org/10.1186/s12905-022-01845-4
Raypole, C. (2020, 20 janvier). Comment passer du « positivisme corporel » à la « neutralité corporelle » — et pourquoi vous devriez le faire. Healthline. https://www.healthline.com/health/body-neutrality
Siahpush M, Tibbits M, Shaikh RA, Singh GK, Sikora Kessler A, Huang TT. (2015). Les régimes augmentent la probabilité de l'obésité et de la prise de l'IMC par la suite : résultats d'une étude prospective d'un échantillon national australien. International Journal of Behavioral Medicine. oct;22(5):662-71. doi: 10.1007/s12529-015-9463-5. PMID: 25608460.
Strings, S. (2019). La peur du corps noir : les origines raciales de la fatphobie. New York, NY : New York University Press.
Tingle, E., Saunders, J. F., Nutter, S., & Russell-Mayhew, S. (2023). Retirer le poids de l'équation : les dommages involontaires du discours de santé axé sur le poids dans les écoles. The Journal of Physical Education, Recreation & Dance, 94(2), 49–58. https://doi-
org.login.ezproxy.library.ualberta.ca/10.1080/07303084.2022.2146818
Wing RR, Phelan S. (2005). Maintien à long terme de la perte de poids. American Journal of Clinical Nutrition. juil;82(1 Suppl):222S-225S. doi: 10.1093/ajcn/82.1.222S. PMID: 16002825.