Boîte à outils de santé mentale pour les travailleurs de l'éducation
Tout en naviguant dans les complexités et les responsabilités uniques qui accompagnent la profession d'enseignant, les éducateurs s'efforcent en permanence d'offrir à leurs élèves les meilleures expériences d'apprentissage possibles. Aujourd'hui plus que jamais, il est important de reconnaître, de comprendre et d'aborder les défis et les réalités de la profession afin de créer des environnements favorables qui permettent aux enseignants de s'épanouir. En donnant aux enseignants les moyens d'entretenir leur santé mentale et leur bien-être et d'en faire une priorité, on peut créer une communauté enseignante plus saine et plus résiliente.
Le Healthy Professional Worker Partnership (partenariat pour la santé des travailleurs professionnels) (disponible en anglais), un projet de recherche financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), a récemment publié un rapport qui examine les liens entre la santé mentale des enseignants, les congés et les processus de réintégration au travail, ainsi que les effets de la pandémie sur les travailleurs du secteur de l'éducation à travers le Canada. Le partenariat HPW regroupe plus de 25 chercheurs et 17 stagiaires, dans 16 universités, la chercheuse principale étant la Dre Ivy Bourgeault de l'Université d'Ottawa. Nous avons interviewé la Dre Melissa Corrente, qui a participé à la réalisation de l'étude de cas sur les travailleurs de l'éducation, afin de discuter des points saillants du rapport et de la création d’une "boîte à outils pour les travailleurs de l'éducation" (disponible en anglais).
Q : Parlez-nous un peu de vous et de vos recherches.
Je suis associée principale de recherche à l'Université d'Ottawa et enseignante à temps partiel à la faculté d'éducation Schulich de l'Université Nipissing à North Bay. Je suis une éducatrice passionnée avec un intérêt particulier pour l’activité physique et de plein air. Mes activités de prédilection sont la raquette, la natation, le vélo et le yoga. Mes deux enfants éveillent ma curiosité et m'incitent à continuer à lire et à apprendre. Lorsque je ne suis pas en train d'enseigner ou de mener des recherches, j’aime cuisiner ou passer du temps avec ma famille et mes amis.
Le Healthy Professional Worker (HPW) Partnership est un projet de recherche qui examine la santé mentale, les congés et les expériences de réintégration au travail de différents travailleurs professionnels dans une optique comparative et intersectionnelle. Notre équipe s'est intéressée aux expériences de santé mentale des travailleurs de l'éducation, à leur décision de prendre un congé et à leur réintégration au travail. Des travailleurs de l'éducation de partout au Canada ont répondu à une enquête en ligne et ont participé à des entretiens pour partager leurs expériences en matière de santé mentale et parler de l'impact de la pandémie sur leur travail.
Q : Y a-t-il un élément particulier qui vous a incitée à mener ce type de recherche ?
Mon expérience personnelle en tant que nouvelle enseignante m'a amenée à faire des recherches sur la santé mentale des enseignants. Le seul soutien dont j'avais connaissance lorsque j'ai commencé à travailler était le programme d'aide aux employés (PAE). Il n'y a pas beaucoup de soutien disponible quand on est aux prises avec des problèmes de santé mentale et si je n'avais pas trouvé un mentor pour m’accompagner, j'aurais quitté la profession. Ma collègue de l'université de Nipissing, Kristen Ferguson, est la responsable de l'équipe HPW pour la profession de l'éducation et c’est grâce à elle que je me suis jointe au projet.
Q : Quelles sont les principales conclusions de « l'étude de cas sur les travailleurs de l'éducation » ?
Nous avons constaté que la majorité des travailleurs de l'éducation (59 %) ont connu des problèmes de santé mentale, les femmes et les travailleurs de l'enseignement secondaire étant les plus touchés. Pour faire face aux problèmes de santé mentale, la majorité des travailleurs de l'éducation ont apporté des changements à leur travail (61 %), notamment en se retirant et en utilisant des jours de maladie et de vacances. La majorité des travailleurs de l'éducation ayant connu des problèmes de santé mentale ont envisagé de prendre un congé (68 %) et 39 % des travailleurs de l'éducation ayant connu des problèmes de santé mentale ont pris un congé officiel.
Téléchargez le rapport complet
Les travailleurs de l'éducation ont déclaré avoir apporté des changements à leur travail ou à leur formation en réponse à un problème de santé mentale. La réaction la plus fréquente chez tous les travailleurs de l'éducation a été de se retirer du travail en prenant des congés de maladie ou des vacances, puis de rechercher un soutien social au travail et d'utiliser des programmes de promotion de la santé mentale sur le lieu de travail.
Les raisons fréquemment invoquées pour ne pas prendre de congé sont la conviction que le problème de santé mentale n'est pas suffisamment grave, les effets du congé sur les élèves et des raisons financières. La majorité des travailleurs du secteur de l'éducation ont repris le travail qu'ils occupaient avant de prendre un congé pour des raisons de santé mentale (79 %). L'augmentation de l'épuisement professionnel était plus importante chez les travailleurs de l'enseignement au secondaire, et les enseignants ont signalé une augmentation plus importante de l'épuisement professionnel pendant la pandémie par rapport aux AE et aux EPE. Le rapport complet est disponible ici (disponible en anglais).
Q : Parlez-nous de la boîte à outils des travailleurs de l'éducation.
La boîte à outils des travailleurs de l’éducation est un centre virtuel bilingue de ressources de haute qualité visant à améliorer la santé mentale des travailleurs de l'éducation. Elle met l'accent sur les ressources au niveau du système, de l'organisation et de l'équipe. Une option de filtrage permet aux travailleurs de l'éducation d'effectuer des recherches par utilisateur, format, lieu, coût et langue. Par exemple, si vous suivez actuellement un programme de formation des enseignants, vous pouvez filtrer les ressources en choisissant « élève-maître » et seules les ressources correspondant à votre situation s’afficheront.
La vidéo suivante montre comment utiliser la boîte à outils :
Q : Sur la base de ces recherches, comment voyez-vous l'avenir du bien-être des enseignants ?
L'avenir du bien-être des enseignants doit se concentrer sur des politiques plus robustes qui soutiennent la santé mentale. Les gouvernements doivent verser un salaire raisonnable au personnel de soutien, comme les assistants pédagogiques et les éducateurs de la petite enfance. Si nous voulons recruter et retenir les travailleurs de l'éducation, leurs conditions de travail doivent être améliorées. Il s'agit notamment de réduire la taille des classes et d'accroître le soutien apporté aux élèves et au personnel. La direction et l'administration du système scolaire ont également besoin de soutien et de formation en santé mentale pour faire face aux exigences accrues en matière de santé mentale dans le paysage éducatif.
Nous espérons que nos recherches et notre boîte à outils sur la santé mentale sensibiliseront les gens au fait que le bien-être des enseignants n'est pas uniquement une responsabilité individuelle. Les enseignants doivent être en bonne santé pendant la journée scolaire, ce qui implique des changements au niveau du système et de l'organisation. Quelle que soit l’intensité des efforts d’un enseignant de veiller à son propre bien-être, c’est peine perdue s’il travaille dans un environnement qui ne favorise pas la santé et la sécurité psychologiques. Les travailleurs de l'éducation ont besoin d'un leadership solidaire et collaboratif et d'une culture qui favorise le bien-être et la définition de limites appropriées entre la vie professionnelle et la vie privée. La création de cette communauté commence par un dialogue constructif et une écoute active des préoccupations des travailleurs de l'éducation.
Bien que notre projet de recherche soit sur le point de s'achever, nous espérons continuer à mettre à jour la boîte à outils et à ajouter de nouvelles ressources à mesure qu'elles seront disponibles. Nous rechercherons activement des occasions de partager nos conclusions et nos ressources avec les responsables de l'éducation qui peuvent influencer positivement la santé mentale des enseignants.
Quelles recommandations ou conseils donneriez-vous aux enseignants et aux écoles pour mettre en œuvre dès maintenant afin de favoriser le bien-être des travailleurs de l'éducation ?
Je recommande à chaque école de créer un comité de travail sur le bien-être composé de champions (enseignants, travailleurs de l'éducation, administrateurs, parents/tuteurs, membres de la communauté, représentants du conseil scolaire) qui souhaitent améliorer la santé mentale des travailleurs de l'éducation. Commencez doucement et identifiez un objectif qui peut être atteint au cours de l'année scolaire (par exemple, réduire l'utilisation du courrier électronique, limiter la messagerie en dehors des heures de travail et le week-end, préconiser des journées consacrées à la santé mentale, un perfectionnement professionnel axé sur l'enseignant ou l'enseignement en équipe).
J'encourage les éducateurs à rester en contact les uns avec les autres et à prendre régulièrement de leurs nouvelles. Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler et signalez les conditions de travail dangereuses. Créez des limites entre votre travail et votre vie privée qui respectent votre situation unique et utilisez les avantages offerts par votre programme d'aide aux employés.
Remerciements - Cette recherche a bénéficié d'une subvention de partenariat des Instituts de recherche en santé du Canada et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada dans le cadre de l'initiative Travailleurs productifs et en santé. Nous tenons à remercier nos organisations partenaires, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) et la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) pour leur aide dans la conception et le recrutement de l'enquête, ainsi que tous les travailleurs canadiens de l'éducation qui ont participé à notre étude.