Dynamique, polyvalent et réactif : le cerveau humain branché sur la résilience
Quand on pense à la résilience, la première définition qui nous vient souvent en tête, c’est l’aptitude à s’adapter aux stresseurs environnementaux. En l’honneur de la Semaine Cerveau en tête, examinons donc comment les branchements du cerveau favorisent la résilience.
Les études menées au cours des 30 dernières années ont démontré que le cerveau est beaucoup plus dynamique, polyvalent et réactif qu’on croyait. La plasticité neuronale décrit en quoi ces connexions nerveuses peuvent changer – comment elles peuvent se renforcer ou s’affaiblir selon nos expériences au fil de la vie.
De fait, le vieil adage selon lequel « on s’en sert ou on le perd » décrit très bien en quoi les synapses neuronales, le point de jonction où un neurone envoie un message à un autre neurone, grossissent ou rapetissent en fonction de l’expérience. Fait important, ces changements surviennent en réaction à l’éducation et à l’apprentissage acquis tout au long de la vie. À titre d’exemple, Draganski et coll. (2004) ont découvert que lorsqu’on montrait à jongler à des étudiants universitaires, on constatait une croissance dans la partie du cerveau associée au traitement de mouvements visuels complexes. Par contre, quand les étudiants cessaient de jongler, le cerveau retournait à son état de préjonglerie. On en déduisait que la connaissance de la jonglerie acquise par les étudiants avait modifié la structure et la fonction de leur cerveau.
Ces types d’observations ont incité les chercheurs à se demander comment les études sur le cerveau pourraient favoriser l’éducation. À titre d’enseignante ou d’enseignant, vous avez peut-être déjà entendu parler de l’apprentissage et l’enseignement axés sur le cerveau où les résultats des recherches sur le cerveau sont appliqués directement à l’enseignement. Cela dit, il faut user de prudence, car si les leçons tirées des recherches sur le cerveau peuvent donner certains résultats positifs pour les enseignants, elles peuvent aussi engendrer des malentendus dommageables.
Effets positifs
Une compréhension du cerveau peut :
Vous aider à expliquer pourquoi certaines approches pédagogiques peuvent être efficaces. Lors des récents Jeux olympiques, par exemple, vous avez peut-être vu des athlètes en train de visualiser leur performance avant la compétition. Les recherches ont démontré que la visualisation d’une action utilise les mêmes parties du cerveau que l’exécution réelle de cette action, ce qui porte à croire que la visualisation renforce les voies neurales responsables du comportement désiré (Munzert, Lorey et Zentgraf, 2009).
Vous aider à mieux comprendre les mécanismes qui expliquent pourquoi certains élèves ont de la difficulté et en quoi l’éducation peut favoriser leur croissance. Dans l’une de mes études préférées menée par McCandliss et coll. (2001), des élèves ayant de la difficulté à décoder des mots ont fait l’objet d’une intervention de lecture fondée sur les données probantes qui mettait l’accent sur la conscientisation phonologique. Avant l’intervention, les parties du cerveau associées à la lecture de mots étaient moins actives. Suivant la formation, leurs schémas d’activation étaient plus semblables à ceux de leurs pairs, ce qui porte à croire qu’une éducation plus intensive peut stimuler les circuits de lecture typiques au lieu de solliciter d’autres parties du cerveau pour compenser.
Vous aider à découvrir toute la quantité d’apprentissage et de résilience dont vos élèves sont capables et à renouveler vos efforts pour soutenir leur croissance. Carol Dweck, Ph. D. (2006) a mis de l’avant l’idée de l’état d’esprit axé sur la croissance, selon laquelle les élèves peuvent ne pas « encore » avoir une compétence, mais peuvent l’acquérir avec des efforts et de la persévérance. Cette idée souscrit au principe pédagogique selon lequel l’acquisition de connaissances et d’habiletés à long terme dépend, dans une grande mesure, de la pratique (Coalition for Psychology in Schools and Education, 2015).
Malentendus courants
Les malentendus au sujet du cerveau peuvent donner lieu à de fausses croyances, les neuromythes. Ces neuromythes nuisent aux pratiques d’enseignement efficaces. Voici quelques exemples de neuromythes courants :
Les difficultés d’apprentissage associées à des différences dans le fonctionnement du cerveau ne peuvent être corrigées. Nous avons vu ci-dessus que cet énoncé est erroné. Par contre, en 2014, Howard-Jones a découvert qu’environ 25 % des enseignantes et enseignants faisant partie d’un échantillon international croyaient que cet énoncé était juste. On devrait s’inquiéter du fait que, si des enseignants croient que l’habileté est gelée et que les élèves ne peuvent pas apprendre, il se pourrait qu’ils ne répondent pas bien aux besoins de leurs élèves (Jordan, Glenn et McGhie-Richmond, 2016).
Les personnes apprennent mieux lorsque l’information leur est transmise dans leur style d’apprentissage préféré. Dans ce même groupe d’enseignants, 90 % étaient d’accord avec cet énoncé. Howard-Jones (2014) est d’avis que ce mythe viendrait peut-être du fait que différentes parties du cerveau réagissent à différents intrants sensoriels. Par contre, ce résultat est fondé sur des moyennes de groupe et ne tient pas compte des forces individuelles. Il y a un danger que les enseignantes et enseignants qui sont de cet avis continuent de recourir à un seul type d’enseignement au lieu de fournir de l’information aux élèves de diverses façons.
Perspectives d’avenir
À mon avis, les avantages de la recherche sur le cerveau l’emportent haut la main sur les désavantages. En effet, les chercheurs ont commencé à examiner en quoi les forces et les besoins de chaque apprenant sont enchâssés dans le cerveau. Les chercheurs ont aussi commencé à examiner pourquoi certains apprenants réagissent à une intervention et d’autres pas. Les réponses à ces questions devraient avoir de fortes répercussions sur le monde de l’éducation.
Cela dit, pour que la recherche sur le cerveau ait un impact dans la classe, il faut que vous, les enseignantes et enseignants, souscriviez pleinement à l’idée, et non seulement comme utilisateurs finaux, mais aussi comme personnes qui génèrent les questions. Si vous désirez établir une collaboration, je connais quelques neuroscientifiques en cognition qui aimeraient beaucoup jaser avec vous. Et si vous voulez en savoir plus sur comment la connaissance du cerveau peut influencer votre façon d’enseigner, je vous invite à fureter certains bulletins d’information ici.
Bonne Semaine Cerveau en tête!
Références
American Psychological Association, Coalition for Psychology in Schools and Education. (2015). Top 20 principles from psychology for preK–12 teaching and learning. Extrait de : http:// www.apa.org/ed/schools/cpse/top-twenty-principles.pdf
Draganski, B., Gaser, C., Busch, V., Schuierer, G., Bogdahn, U. et May, A. (2004). Changes in grey matter induced by training. Newly honed juggling skills show up as transient feature on a brain imaging scan. Nature, 427, 311-312.
Dweck, C. S. (2006). Mindset: The new psychology of success. New York: Random House.
Howard-Jones, P.A. (2014). Neuroscience and education: Myths and messages. Nature Reviews, 15, 817-824.
Jordan, A., Glenn, C. et McGhie-Richmond, D. (2016). The supporting effective teaching (SET) project: The relationship of inclusive teaching practices to teachers’ beliefs about disability and ability, and about their roles as teachers. Teaching and Teacher Education, 26, 259-266.
McCandliss B. D., Martinez A, Sandak R. et coll. (2001). A cognitive intervention for reading impaired children produces increased recruitment of left per-sylvian regions during word reading: an fMRI study. Neuroscience Abstracts 27: 961–964.
Munzert, J., Lorey, B. et Zentgraf, K. (2009). Cognitive motor processes: The role of motor imagery in the study of motor representations. Brain Research Reviews, 60(2), 306-326. http://dx.doi.org.proxy1.lib.uwo.ca/10.1016/j.brainresrev.2008.12.024