Enseignement de la danse 101
Publié précédemment dans le volume 82, numéro 2
Dans le cadre de mon travail, j’ai l’occasion de rencontrer beaucoup de nouveaux enseignants. Certains sont encore inscrits à l’université et terminent leur stage pratique. D’autres tentent de survivre au stress des premières années d’enseignement et de se tailler une place au sein d’une carrière secouée par de plus en plus d’incertitude.
Il s’agit d’un groupe diversifié de personnes — certaines sont jeunes, d’autres sont moins jeunes et ont fait de l’enseignement leur seconde carrière—toujours enthousiastes et idéalistes lorsqu’elles amorcent leurs premières années d’enseignement. L’une des rares choses que ces deux groupes en commun, c’est leur façon d’aborder l’enseignement de la danse avec incertitude et souvent même, avec crainte, puisqu’il s’agit généralement d’une matière pour laquelle elles n’ont reçu aucune formation.
Mal préparés pour enseigner la danse
Les programmes de baccalauréat en éducation qui embauchent des professeurs avec des doctorats en littérature, en musique, en arts visuels et en théâtre finissent généralement par confier la formation en danse au professeur quelconque qui a la malchance de tirer à la courte paille. Parfois, c’est le professeur d’éducation physique, parfois c’est le professeur de musique et parfois encore, on choisit de ne pas enseigner la matière du tout. Certains de ces professeurs ont une grande connaissance de la danse qu’ils ont acquise à coup d’efforts en dehors de leur sphère de travaux, mais dans la grande majorité des cas, la connaissance de la danse est limitée. Je rencontre très souvent des enseignantes et enseignants qui n’ont jamais suivi de cours en enseignement de la danse dans le cadre de leur programme de baccalauréat en éducation ou dont l’expérience se résume à quelques danses folkloriques ou d’un petit peu de Dalcroze. Ces derniers se retrouvent maintenant dans la position peu envieuse d’avoir à enseigner et à évaluer une matière qu’ils ne connaissent quasiment pas!
À titre de conseillère en matière de programmes-cadres, je trouve cette situation frustrante, car au lieu de travailler avec les enseignants pour les aider à peaufiner leur pratique, je dois leur enseigner comment lire le programme-cadre et leur expliquer ce qu’est un saut et la différence entre des mouvements locomoteurs et non locomoteurs.
À titre d’enseignante de danse avec un diplôme de deuxième cycle en enseignement de la danse, c’est fâchant. Nous, qui œuvrons dans le domaine de l’enseignement de la danse, savons que notre travail est souvent sous-évalué. Le fait d’avoir encore à nous battre que pour que les enseignants soient dûment formés en danse, même si la plupart des programmes-cadres provinciaux reconnaissent la matière, est ahurissant. Y a-t-il une autre matière scolaire qu’on demande aux enseignants d’enseigner, mais pour laquelle on n’offre aucune formation? Y a-t-il une autre matière enseignée dans le cadre des programmes de baccalauréat en éducation, qui sont enseignés par des gens qui n’ont aucune formation universitaire dans le domaine?
Quatre vérités sur la danse que vous devez immédiatement connaître
Voici ma liste de vœux pour les nouveaux enseignants et les nouvelles enseignantes qui mettent un premier pied dans la salle de classe. C’est ce que j’aimerais que vous sachiez déjà au sujet de la danse avant que je vienne vous voir.
1. La danse est une langue.
La danse, ce n’est pas une série de pas, ce ne sont pas des séquences compliquées et ça n’exige pas de souliers ou de vêtements spéciaux. La danse, c’est un mode d’expression non verbale. C’est une façon de raconter une histoire, d’expliquer ses pensées, de démontrer ses connaissances et de partager ses expériences et ses sentiments avec le monde. C’est ce que vous saviez faire quand vous aviez trois ans. Vous pouvez vous en rappeler et vous n’aurez pas de besoins de souliers et de collants roses pour ce faire.
2. La clé de la réussite, c’est le savoir-faire physique.
Toutes les habiletés motrices que vous devez acquérir pour réussir dans les domaines du sport ou du conditionnement physique sont les mêmes habiletés motrices requises pour bien enseigner la danse. Pouvez-vous sauter? Transférer votre poids? Changer de niveau? Vous tenir en équilibre sur diverses parties du corps, comme les pieds, les genoux et les fesses? Pivoter? Il n’est pas nécessaire d’être une danseuse ou un danseur hors pair pour bien enseigner la danse en classe, mais la tâche sera plus facile si vous avez assez de savoir-faire physique et êtes assez en forme pour vous déplacer avec confiance.
3. Les éléments de la danse
Si chaque enseignante ou enseignant se présentait en classe avec une connaissance fondamentale des éléments de la danse, il serait bien plus facile de satisfaire aux attentes des programmes-cadres. Le corps, l’espace, l’énergie, le temps et les relations : tels sont les outils qui servent à construire des danses. La plupart des programmes-cadres de l’élémentaire sont fondés, du moins en partie, sur les travaux de Rudolf Laban. Par conséquent, même une connaissance de base de son cadre théorique d’analyse du mouvement constitue un excellent premier pas menant au savoir-faire en danse.
4. La danse comme puissant outil facilitant l’enseignement d’autres matières.
Le mouvement et la danse peuvent grandement enrichir et améliorer l’enseignement de matières comme les mathématiques, les sciences, des études sociales et la langue. Nous savons que les enfants passent trop de temps assis tout au long de la journée d’école. Faites-les danser pendant le cours sur la symétrie ou les roches sédimentaires et je vous promets qu’ils se souviendront des concepts!
C’est là ma liste des quatre vérités sur la danse. En Ontario (et dans d’autres administrations à travers le Canada), les enseignantes et enseignants mettent deux ans à obtenir leur baccalauréat en éducation. Les facultés peuvent certainement trouver un moment, dans le cadre de ces deux ans, pour donner aux étudiants des cours sur l’enseignement de la danse offerts par des professeurs qui connaissent la matière afin qu’ils soient bien préparés à enseigner et évaluer la danse à titre de matière autonome et capables d’utiliser la danse comme outil pédagogique en salle de classe.
Si je dansais ce message pour vous, seriez-vous convaincus?