Enseigner le consentement peut être délicat, mais pas nécessairement!

Ce qui m’énerve vraiment, c’est quand les gens disent : « Le consentement, c’est simple. C’est oui ou c’est non. » Il y a quelques années, une campagne médiatique primée véhiculait exactement ce message.
En réalité, le consentement est loin d’être simple, et les jeunes l’ont bien compris. De nombreux facteurs peuvent compliquer le consentement, tels que l’incertitude, la dynamique du pouvoir, la pression des pairs et les normes sociales. Tous ces éléments interfèrent avec l’autonomie et la clarté de la communication. Si nous disons aux jeunes que le consentement est quelque chose de simple, cela revient à dire que nous ne comprenons pas leur confusion et que nous n’y sommes pas sensibles.
Nous disons aux enfants de dire « non », mais nous n’expliquons pas pourquoi ils peuvent avoir du mal à le faire. Par conséquent, ils en viennent à se culpabiliser de ne pas s’être fait entendre. Nous leur disons de chercher un « oui » enthousiaste, sans leur montrer à quoi cela ressemble ou, plus important encore, sans leur expliquer comment reconnaître un manque d’enthousiasme. Souvent, ils ne parviennent pas à reconnaître ce manque d’enthousiasme.
Nous disons aux enfants d’éviter de faire des choses qu’ils ne veulent pas faire, mais nous ne leur apprenons pas à déterminer ce qu’ils veulent ou ne veulent pas, surtout lorsque ce n’est pas clair. Et c’est souvent le cas.
Nous encourageons les enfants à faire preuve de gentillesse et de politesse et à éviter les conflits tout au long de leur vie. Puis, comme par magie, ils sont censés s’affirmer avec confiance dans des situations à haut risque, qui sont parfois les plus difficiles qu’ils aient jamais rencontrées.
Partout, les jeunes sont aux prises avec des problèmes tels que la violence fondée sur le genre, le harcèlement sexuel et les agressions. Ils ne savent pas vraiment ce que signifient le consentement et l’agression, et ils ont du mal à comprendre leurs droits à l’autonomie corporelle. Ils intériorisent également des mythes et des modèles sociétaux néfastes, qui les amènent à se culpabiliser et à garder le silence.
Enseigner les compétences en matière de consentement
Maintenant que nous avons exposé certaines des nombreuses complexités liées au consentement, il peut sembler encore plus intimidant d’enseigner ce sujet. Mais si nous nous concentrons sur les compétences qui permettent de faciliter le consentement, que j’appelle les « compétences en matière de consentement », et que nous donnons la priorité aux interactions positives, l’enseignement du consentement peut devenir simple, efficace et même agréable.
Comme ma co-autrice, Marcia Baczynski, et moi le mentionnons dans notre livre Creating Consent Culture: A Handbook for Educators (Jessica Kingsley Publishers, 2022) :
« Il peut être difficile et épuisant de lutter contre un vieux paradigme. Mais créer une nouvelle culture est amusant, inspirant et passionnant. »
Alors, comment pouvons-nous y parvenir? En guidant vos élèves au moyen d’exercices simples et amusants, vous pouvez les aider à acquérir et à mettre en pratique les compétences en matière de consentement qui leur permettront de gérer plus efficacement les interactions sociales. En mettant en pratique ces compétences dans un environnement sûr et contrôlé, les jeunes seront plus à même de les utiliser dans des situations plus délicates.
Voici les principales compétences en matière de consentement sur lesquelles il convient de se concentrer :
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Que faire en cas d’incertitude (et comprendre qu’il est normal d’être incertain)?
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Comment entendre un « non » avec courtoisie
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Comment dire « non » en toute confiance (et comprendre pourquoi cela peut être difficile)
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Comment éviter les malentendus
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Comment savoir si vous êtes du genre à dire « oui » ou « non »
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Comment demander clairement ce que vous voulez
Discussions pour développer l’empathie
Avant d’aborder ces compétences, il est essentiel de discuter des raisons pour lesquelles le consentement peut être délicat. Demandez à vos élèves pourquoi il peut être difficile pour quelqu’un de dire non et dressez une liste au tableau. Ensuite, demandez-leur pourquoi il peut être difficile d’entendre un non et dressez ensemble une autre liste.
Lorsque j’enseigne ces compétences, je commence toujours par de brèves discussions pour explorer ce que ressentent les élèves et susciter de l’empathie pour les difficultés que la plupart des gens rencontrent lorsqu’ils fixent ou respectent des limites. Ensuite, nous passons à l’apprentissage et à la pratique de la compétence.

Un exemple : Apprendre à entendre un « non » avec courtoisie
Voici l’un de mes exercices préférés pour apprendre aux élèves à entendre un « non » avec courtoisie. Cette compétence, qui consiste notamment à comprendre différentes versions du « non » et à reconnaître un manque d’enthousiasme, est, à mon avis, la compétence la plus essentielle en matière de consentement.
Lorsque j’apprends à des étudiants (ou à des adultes) à entendre un « non » avec courtoisie, je commence par les aider à comprendre pourquoi il est parfois difficile de dire « non ». J’insiste sur le fait que lorsqu’une personne dit clairement « non », c’est en fait un cadeau qui doit être apprécié.
Ensuite, je leur apprends à faire quelque chose qui peut sembler radical au premier abord : je les encourage à remercier la personne qui leur dit non. En général, ils réagissent en disant : « C’est bizarre! » ou « C’est gênant! » Et je comprends. Nous ne sommes pas habitués, pour la plupart, à apprécier les limites fixées par quelqu’un d’autre. Cependant, apprendre à réagir de cette manière présente de nombreux avantages. Cela rassure la personne qui a exprimé ses limites, tout en favorisant une transition plus douce entre le moment où la personne se fait dire « non » et celui où elle comprend que maintenir un lien est plus important que d’obtenir ce qu’elle veut sur le moment.
Les enseignants sont souvent étonnés de la rapidité avec laquelle les élèves passent de « C’est bizarre! » à « Hé, merci pour l’info » comme s’ils l’avaient fait toute leur vie.
Lorsque quelqu’un nous remercie et apprécie que nous ayons exprimé nos limites, cela nous aide à surmonter la peur des représailles ou du rejet pour avoir dit « non ». Cela crée un sentiment de sécurité, encourage la sincérité et renforce la confiance en soi pour explorer ce que nous voulons vraiment.
Je vous mets au défi d’essayer cette méthode par vous-même. Cherchez une occasion de remercier une personne lorsqu’elle exprime une limite ou dit non, et prêtez attention à sa réaction.
Voici comment l’exercice fonctionne en pratique :
Je commence par dire aux élèves que nous allons parler du toucher, sans pour autant nous toucher les uns les autres. Je leur explique qu’ils ne sont pas obligés de participer à l’activité s’ils ne se sentent pas à l’aise, mais qu’ils en tireront davantage s’ils y prennent part.
Ensuite, je leur demande de se mettre par deux et je leur attribue des rôles : l’un est A, l’autre est B. A doit simplement demander : « Puis-je te faire un câlin? », tandis que B doit répondre « non ». C’est tout, juste « non » et rien d’autre. Ensuite, ils échangent les rôles et répètent l’exercice.
Je remarque souvent que les participants rient, s’excusent ou expliquent la raison de leur refus, alors que je leur ai spécifiquement demandé de simplement dire « non ». Cela conduit naturellement à une discussion sur les raisons pour lesquelles il peut être difficile de dire et d’entendre « non ».
Ensuite, je les guide dans un exercice de suivi, qui commence de la même manière mais se termine par A disant « merci » lorsque B dit « non ». Je demande aux élèves comment ils ont ressenti ce deuxième exercice par rapport au premier. Nous discutons des raisons pour lesquelles le fait de remercier quelqu’un qui dit « non » peut créer un sentiment de sécurité et renforcer un lien authentique.
Enfin, je les encourage à se lever et à se déplacer dans la pièce, à demander des câlins, à dire « non » et à s’entraîner à se remercier mutuellement de la manière qui leur semble naturelle. La rapidité avec laquelle les élèves se familiarisent avec cette nouvelle compétence est impressionnante!
Vous pouvez regarder un petit clip de cet exercice ici. [en anglais seulement]
Apprendre et désapprendre
En enseignant ces compétences pratiques, nous nous engageons également dans un important processus de désapprentissage. À mesure de notre croissance, nous absorbons inconsciemment des normes culturelles qui rendent les interactions plus compliquées.
Par exemple, dans une expérience sociale de la BBC en 2005, des enfants de cinq ans ont été répartis en deux groupes, filles et garçons. Chaque groupe a été présenté à une gentille dame qui leur a préparé de la limonade, mais elle y avait secrètement ajouté du sel au lieu du sucre. Lorsque les garçons ont goûté la limonade, ils l’ont immédiatement recrachée en disant qu’elle avait un goût horrible. De leur côté, les filles ont fait semblant de siroter la limonade, prétendant qu’elles n’avaient pas soif ou même complimentant le goût. Cette expérience démontre comment le conditionnement inconscient peut entraîner des différences significatives dans la façon dont nous nous défendons et fixons des limites. Nous avons tous appris des choses qu’il faut désapprendre.
La réaction de paralysie
L’une des idées fausses les plus préjudiciables à désapprendre est la honte associée au fait de ne pas dire « non ». Je vous encourage à enseigner à vos élèves la réaction de paralysie, qui est la réaction autonome la plus courante au harcèlement et aux agressions sexuels.
La réaction de paralysie se produit aussi rapidement que la réaction de combat ou de fuite, en l’espace de 15 millisecondes, et échappe à notre contrôle conscient. De nombreux survivants de harcèlement ou d’agression ne comprennent pas que leur corps a peut-être choisi la réaction de paralysie, ce qui les amène à avoir honte de ne pas avoir réagi comme ils pensent qu’ils auraient dû le faire. Comprendre la science qui sous-tend cette réaction peut aider les survivants à se libérer de leur honte et de leur culpabilité.
Conclusion
Les jeunes méritent de disposer des outils et des compétences nécessaires pour entretenir des relations saines, satisfaisantes et agréables. Il convient donc de bien éduquer les jeunes sur la sexualité et les relations, notamment en les aidant à acquérir et à mettre en pratique les compétences nécessaires en matière de consentement, et en leur expliquant pourquoi ces compétences sont si importantes.
L’enseignement du consentement semble parfois difficile au début, mais il peut se faire de manière ludique et interactive, en tenant compte des traumatismes et de l’âge des élèves, tout en étant très efficace. Je me réjouis de voir que divers programmes scolaires au Canada commencent à inclure l’éducation au consentement, mais il est important de savoir comment s’y prendre. Je n’ai fait qu’effleurer le sujet en proposant un exemple de méthode ludique et interactive pour enseigner le consentement, mais il en existe bien d’autres. J’espère que vous les essaierez!
Ressources:
Livres
- Creating Consent Culture: A Handbook for Educators par Marcia Baczynski et Erica Scott
- Real Talk About Sex and Consent par Cheryl M. Bradshaw [en anglais seulement]
- Legitimate Sexpectations: The Power of Sex-Ed par Katrina Marson [en anglais seulement]
Balados
- Balado « Tout est basé sur le consentement » [en anglais seulement]
- Critique des livres d’éducation sexuelle [en anglais seulement]
Articles
- La paralysie pendant l’agression sexuelle [en anglais seulement]
- Réactions neurobiologiques lors d’une agression sexuelle [en anglais seulement]
- Sociétés sans viol :Analyse de l’étude de Peggy Reeves [en anglais seulement]
- Charte des responsabilités des alliés - Page d’accueil [en anglais seulement]
- Carte des réactions aux traumatismes par Kai Cheng Thom [en anglais seulement]
Organisations