Priorité à la récréation comme espace de rapprochement et de guérison
Étant donné les préoccupations en termes de la gestion des mesures de désinfection, plus les entraves logistiques se rapportant au respect des consignes de distanciation sociale dans la cour d’école, force est d’admettre qu’il y a une forte tentation de reléguer la récréation en bas de la liste de priorités, ou la limiter, voire l’annuler tout simplement. Et pourtant, du point de vue des élèves, la récréation est d’une importance critique à titre d’espace social. À l’heure actuelle, dans le sillage de plusieurs mois d’isolement, de stress, et d’incertitude, les élèves auront besoin plus que jamais de cet espace. Effectivement, c’est beaucoup plus important que le rattrapage des travaux scolaires.
Alors que nous préparons un environnement pour accueillir le retour des élèves dans les écoles, nous devons nous concentrer non seulement sur les efforts d’atténuer l’éclosion du virus, mais également sur le rétablissement des liens sociaux et la guérison mentale et émotionnelle. Tandis que la récréation est souvent un espace joyeux et positif pour les élèves, il y a des enfants qui sont victimes d’exclusion sociale, de violence, ou de rejet. Ces enfants dépendent du soutien du personnel enseignant pour assurer que la récréation est un espace positif, sécuritaire, et inclusif. Cette rentrée scolaire nous présente une possibilité sans précédent de repenser la récréation – d’une manière qui sera bénéfique tant à court qu’à long terme.
Pourquoi le faire différemment?
Les relations sociales et les amitiés fournissent un contexte pour le jeu créatif, l’activité physique, le soutien émotionnel, le plaisir, et le développement de l’identité sociale – et toutes ces choses contribuent au bien-être général. Nous savons maintenant que ce qui se passe lors de la récréation informera invariablement ce qui se passe en classe, pour le meilleur ou pour le pire.
Traditionnellement, les écoles se concentraient surtout sur l’instruction et l’apprentissage; très peu d’attention était accordée aux besoins sociaux et émotionnels des élèves. Cette hiérarchie permanente a relégué la récréation dans la négligence, et en conséquence il persiste un niveau très faible de planification, de supervision, de formation, d’équipement, d’espace, et de responsabilité. Chez les élèves, les retombées se manifestent sous forme de sentiments d’ennui, de frustration, et d’anxiété, et des conflits sociaux, des troubles de comportement, et des problèmes de sécurité. L’intimidation, l’exclusion, et le rejet sont devenus monnaie courante à la récréation – et ce sont des problèmes qui font obstacle aux tentatives de bon nombre d’enfants non seulement de jouer mais également de cultiver des liens sociaux positifs.
Qui prend en charge la récréation?
Lorsque je travaille avec les éducateurs et les administrateurs, je remarque que bon nombre d’entre eux ignorent le fait qu’une récréation sécuritaire et saine est inscrite comme droit fondamental des enfants du monde. Effectivement, parmi les 54 droits consignés dans la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, l’un des droits les plus ignorés et les moins protégés est l’Article 31, « le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge. »
Ce que cela signifie, en fin de compte, est que les écoles, le personnel enseignant, et les administrateurs, ne sont pas exempts de ce devoir de protéger et promouvoir le droit des enfants au jeu, au repos, et aux loisirs. Le Canada est un membre ratifié du Comité des droits de l’enfant des Nations Unis, et en tant que tel, nous avons une responsabilité collective d’assurer que l’environnement de récréation est inclusif, entièrement accessible, sécurisé contre les effets de préjudice social, et adapté à tous les sexes, âges, phases de développement, et capacités.
Lors de la rentrée scolaire aux suites de la pandémie de COVID-19, il est fort probable que les élèves seront repartis en cohortes. Cette structure vise à minimiser le risque de contamination, mais en même temps c’est bénéfique pour la récréation, puisque les cohortes seront nécessairement plus petites, et il y aura des améliorations apportées au niveau de la planification et l’affectation des enseignants/superviseurs. Cela devrait donner lieu à une récréation plus gérable, plus inclusive, et plus agréable, et en conséquence l’atmosphère dans la classe sera d’autant plus positive lorsque les enfants rentreront de la récréation.
Enfin, l’un des points les plus saillants que j’ai retenus à propos de la récréation en tant qu’espace social est la nécessité d’activer les élèves et leur donner un rôle actif et concret dans la planification et l’organisation de la récréation. Tenez des conversations avec la classe : qu’est-ce que les élèves souhaiteraient faire, et qu’est-ce qu’ils aimeraient faire de différent – ou faire différemment – par rapport aux années précédentes. Ne manquez pas de prévoir un forum anonyme, que ce soit une boîte à suggestions, ou un sondage, ou quelque chose de similaire, pour recevoir des commentaires et des suggestions, puisque les élèves sont souvent réticents à discuter des questions sociales devant leurs pairs. Activez les élèves à définir les attentes et les règles quant à la sécurité et la santé. Prévoyez des possibilités de leadership et d’entraide qui invitent les élèves à se soutenir mutuellement, gérer les équipements, et être des modèles de rôles de comportements compatissants qui favorisent la pleine participation de tous et de toutes. Ce genre d’agentivité confère une voix aux élèves, et contribue énormément à la création d’un climat social sécuritaire et inclusif.
Reportez-vous au site web d’EPS Canada pour vous prévaloir de plusieurs ressources qui ont été élaborées spécifiquement dans le but de vous aider à planifier et à organiser la récréation en cette période sans précédent – et au-delà. En plus, vous pouvez visionner le webinaire intitulé Conseils pour planifier des expériences de récréation sécuritaires et efficaces dans le contexte de la COVID-19 (en anglais seulement).
AUTEURE :
La Dre Lauren McNamara est chercheuse en éducation, entrepreneuse sociale, et membre du réseau Ashoka. Elle a cumulé plus de 20 ans d’expérience en travaillant avec des conseils scolaires à travers les États-Unis et le Canada. Se penchant notamment sur les relations sociales et les effets de celles-ci sur le bien-être, elle a été une des premières chercheuses au Canada à définir l’espace social de la récréation et le rôle que cet espace joue dans le façonnement des parcours de santé mentale des enfants.