Quelle note accorderiez-vous aux programmes holistiques de santé à l’école au Canada?
Cette question s’est posée récemment dans un discours liminaire prononcé lors du Forum national des écoles en santé à Ottawa. Dans la salle de conférence, on entendait le plus souvent des réponses de 3 sur 10 et de 5 sur 10. Cela m’a laissé perplexe. On croirait que, en comparaison avec des pays aux ressources limitées, la note du Canada devrait frôler les 8 ou 9 sur dix, non? Les organisations telles que Dash B.C., Ever Active Schools, Ophea et EPS Canada proposent une pléthore de ressources de haute qualité; en plus, il y a eu d’importants investissements directs dans des projets tels qu’Apple Schools dans l’Alberta. Ce sont là seulement quelques exemples. Il y a des gens et des organisations vraiment remarquables qui se consacrent à la santé dans le milieu scolaire, et qui font un excellent travail qui mérite d’être salué. Donc pourquoi ces notes relativement basses?
À mon avis, cette perception plutôt négative, et la note conséquente, se doivent à plusieurs facteurs, incluant la concurrence des priorités, la nature difficile qui définit la tâche, la grande variété d’idéologies qui entrent en jeu, et les inégalités qui touchent aux communautés autochtones à travers le système entier. Effectivement, les disparités et les inégalités à travers le pays sont frappantes. Généralement, les plus grandes provinces ont des organisations reconnues ayant au moins une capacité partielle à soutenir les programmes holistiques de santé à l’école. Dans les autres provinces, le fardeau est supporté par une poignée de personnes passionnées. Et c’est sans compter les inégalités qui existent au niveau des écoles individuelles.
Dans cette salle de conférence à Ottawa, j’ai observé également une certaine frustration chez les intervenants, qui venaient surtout des secteurs de la santé et de l’éducation. Or, la promotion des programmes holistiques de santé à l’école n’est pas la même chose que vendre une voiture ou un téléphone intelligent. Il n’y a rien de tangible; ce n’est pas une chose mais plutôt une manière de faire. C’est une approche conceptuelle qui ne trace pas une seule voie pour la mise en œuvre. En revanche, ce modèle nous signale que les solutions toutes faites ne conviennent pas, et qu’il faut prendre comme point de départ une analyse basée sur les besoins particuliers. Cette analyse pourrait raisonnablement comporter des volets physiques, spirituels, mentaux et émotionnels, chacun avec différents objectifs et priorités qui doivent être affrontés dans un premier temps. Plus il est difficile de résumer le projet dans un argumentaire éclair, plus il est difficile de vendre l’idée. L’adoption et la compréhension dans la communauté au sens large ne correspondent pas forcément à la réponse dans notre communauté spécialisée, et cela peut devenir épineux. Il faut un investissement de temps, de patience et de compréhension de la part de la communauté scolaire entière et de ses dirigeants, mais nous savons que cela rapporte, et que les bienfaits sur la santé surpassent largement l’investissement de temps, d’énergie et de ressources.
Dans le secteur d’éducation, les programmes holistiques de santé à l’école sont généralement reconnus comme importants, cependant la priorité est accordée aux maths, aux langues et aux matières STIM. Beaucoup de dirigeants dans l’éducation ont la philosophie de « donnons-leur une pomme et disons-leur de monter l’escalier en courant », et ça suffit, on a fait sa part pour la santé à l’école. Il y a également le décalage entre les intervenants du secteur de la santé, qui considèrent les écoles comme l’endroit idéal pour appuyer la santé des élèves, et puis les écoles elles-mêmes, qui déploient leurs propres politiques et approches en matière d’éducation à la santé. Ces divergences idéologiques et l’étendue des influences néolibérales se voient notamment dans les différentes manières par lesquelles les juridictions individuelles abordent le thème de l’alimentation saine à l’école : les actions varient énormément, de lignes directrices et politiques jusqu’à la législation. Il n’est donc pas surprenant, étant donné ces nombreux défis et frustrations, que la réalité ne cadre pas avec les attentes enthousiastes de la communauté des écoles en santé.
Et pourtant, il y a raison pour optimisme. Les principales organisations qui se concentrent sur les écoles en santé sont en train d’harmoniser leurs efforts, ceci sous forme de l’Alliance canadienne des écoles en santé. Depuis plus d’une décennie, plusieurs tentatives se font en vue de réaliser une telle fusion, et il y a eu plusieurs instances de coopération temporaire, par l’entremise d’organisations philanthropiques et subventions de recherche. La différence, cette fois-ci, c’est qu’il y a non seulement un soutien financier clé, mais également un engagement réel de la part de chacune des organisations, et une appréciation de la valeur de faire front commun. En plus, il y a une nouvelle sensibilité aux besoins des communautés autochtones et des inégalités qui doivent être prises en considération. Nous pourrons raisonnablement nous attendre à la mise en place d’un programme de congrès nationaux réguliers et d’autres plateformes de communications et mécanismes de soutien. Il y a des initiatives de santé holistique qui se déploient dans des régions tout autour du Canada, et il faut les mettre d’avant, les soutenir dans nos recherches, et les partager comme meilleures pratiques. Il y a beaucoup de bon travail qui se fait et qui reste à faire. Il me semble que c’est bien parti, et nous sommes sur la bonne voie. Et à mon avis cela mérite au tout minimum une note de sept sur dix!
Biographie de l’auteur :
Antony Card, Ph. D., a entamé sa carrière de doyen de la faculté d’éducation de l’Université Mount Saint Vincent de Halifax en septembre 2018. Il a travaillé auparavant comme doyen de l’école de cinétique humaine et de loisirs de l’Université Memorial de Terre-Neuve et comme vice-président adjoint (Recherche) du campus Grenfell de l’Université Memorial. Antony Card a donné des cours de méthodes en éducation physique à des étudiants-maîtres qui se destinent à l’enseignement au primaire et à l’élémentaire ainsi que des cours de maîtrise en éducation physique en ligne sur les écoles en santé et sur le leadership en éducation physique. Il travaille actuellement avec la Première Nation Qalipu à un projet financé par la Fondation McConnell pour favoriser le développement social et émotif des jeunes, misant sur une approche de santé globale dans les écoles.