Série de billets de blogue « Enseignant la résilience » : La fatigue pandémique: se heurter au mur de la COVID - Comment nous y prendre pour persévérer?

L’excitation était palpable au fur et à mesure qu’approchait la pause des fêtes. Je me réjouissais à la perspective de célébrer un Noël relativement ‘normal’ avec ma famille quand, coup de théâtre, on m’a informé que je serais obligé de m’isoler à cause d’une exposition à la COVID-19. En un clin d’œil, nos plans ont été anéantis, au grand dam de mes deux filles, qui seraient privées des contacts avec leur famille pendant les fêtes. Jusqu’à ce moment-là, je persévérais, je supportais la pandémie, mais ce fut la goutte qui a fait déborder le vase, et je me suis heurté au « mur de la COVID »”.  

De telles collisions avec le « mur de la COVID » semblent d’ailleurs inévitables, étant donné que nous sommes sur des montagnes russes à perpétuité, tiraillés entre l’espoir et le désespoir – et tout ce qu’il y a entre les deux. Des jalons ont été fixés pour le personnel enseignant, les élèves, et les parents, et tout le monde a tendu vers ces objectifs. Nous avons subi des confinements, des campagnes de vaccination, et des restrictions sans cesse changeant. Je me suis mis à fixer mes propres jalons hypothétiques tels que « Si le nombre de cas confirmés atteint le cap de X… » ou, « Si nous parvenons à tenir le coup jusqu’à la pause des fêtes/jusqu’aux vacances d’été, la situation devrait s’améliorer ». La création de jalons peut être considérée comme une stratégie d’adaptation, cependant les sentiments de déception découlant de la non-réalisation, encore et encore, nous mettent sur la voie de l’épuisement professionnel, et nous donnent l’impression de nous heurter au « mur de la COVID ». 

J’ai analysé ma propre expérience pour identifier les principales causes de ma collision avec ce fameux mur.

Des périodes de récupération trop courtes

Les vacances d’été sont pour le personnel enseignant une période de ressourcement et de préparation à la prochaine année scolaire. Et pourtant, au cours des deux derniers étés, bon nombre d’enseignants n’ont pas eu la possibilité de prendre des vacances ou de se soustraire à la fatigue pandémique. Avec le flot constant de changements aux restrictions, plus les formations en mesures sanitaires prévues durant l’été, il a été quasiment impossible de se déconnecter. Dans mon cas, ma résilience a fait les frais et je me suis retrouvé à remettre en question mes propres capacités en tant qu’enseignant. 

Quand nous autres les éducateurs et éducatrices ne commençons pas l’année scolaire du bon pied, l’effet boule de neige n’est pas favorable pour l’atmosphère dans nos classes, et ce sont les élèves qui finissent par subir les conséquences. Dans un sondage auprès de 1 300 enseignants et enseignantes canadiens, 44% ont affirmé avoir des soucis pour leur propre santé mentale en juin. En octobre ce chiffre a grimpé à 69%, avec 37% des sondés qui indiquaient qu’ils géraient la situation « à peine » ou « pas du tout » (Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, 2020).  

Ça fait plusieurs années scolaires maintenant que nous sommes soumis aux restrictions et que nous faisons face à des fermetures d’école et/ou des virages soudains à l’apprentissage en ligne. Au début de l’année scolaire 2021-2022, les enseignants naviguaient dans les mêmes eaux turbulentes que l’année précédente. Pour moi personnellement, ma résilience était de nouveau mise à l’épreuve à cause des soucis d’œuvrer dans des conditions de travail dangereuses, et les effets potentiels sur mes élèves et ma propre famille. J’ai commencé à remettre en doute mes capacités en tant qu’enseignant d’éducation physique et à la santé, et en même temps je remettais en question l’engagement des autres personnes pour respecter les protocoles sanitaires. Je me posais constamment la question, « C’est pour ça que je suis devenu enseignant ? » 

Il y a beaucoup de stratégies sur lesquelles que nous pouvons nous appuyer aux fins d’atténuer les effets négatifs de la fatigue pandémique. Le Dr Scott Lear, chaire de recherche en prévention de maladies cardiovasculaires chez la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, souligne que les pauses occasionnelles dans la consommation des médias, le soin du bien-être physique, la planification de périodes de ressourcement, et les connexions et interactions avec les autres personnes sont tous des moyens de résister à cette trajectoire qui vous fait vous heurter au « mur de la COVID » (Lear, 2020). Je me suis promis d’essayer de suivre ces conseils, et je dois admettre que les stratégies énoncées m’ont aidé à devenir plus résilient et à mieux composer avec le stress, l’anxiété, et la frustration.  

Et pourtant, il y manquait un élément essentiel. Pour moi, l’existence de modèles de rôles de résilience m’a aidé à développer les connaissances et les compétences qu’il me faut pour être bien dans ma peau. Mes relations avec des modèles de rôles positifs qui ont surmonté les obstacles et ont fait preuve de résilience m’ont donné la force et la motivation de passer à travers le « mur de la COVID ».

Mes références en matière de résilience

Un modèle de rôle positif qui est à mes côtés depuis 18 ans est ma conjointe, Rachel. Elle est une épouse et une mère aimante de deux jeunes filles remarquables. En plus, elle est principale conseillère d’orientation dans une école secondaire au centre-ville de Toronto, en Ontario. Elle réussit toujours à maintenir le cap et à placer ses proches et ses élèves sur la voie du succès. Son aptitude à être une excellente enseignante pour ses élèves et un excellent parent à nos filles, même en pleine pandémie, est pour moi une grande source d’inspiration dans mes efforts en vue de maîtriser mes émotions et aller de l'avant chaque jour, de tourner une autre page.

Sa persévérance et sa passion pour se perfectionner comme conseillère d’orientation et comme parent ont motivé sa décision de reprendre les études et renforcer ses capacités professionnelles et familiales. Rachel a toujours fait preuve d’honnêteté et de franchise dans ses expériences. Elle a eu de mauvais jours mais elle nous a montré qu’il est tout à fait normal et acceptable de subir des échecs et d’affronter des écueils. En fait, elle a utilisé ces obstacles comme opportunités d’apprendre et s’adapter. J’ai observé de première main, à maintes reprises, la persévérance de Rachel, quand elle en est venue à bout, en transformant les échecs en réussites et en tirant des leçons valables de ses erreurs. Elle est une excellente référence pour ses filles et ses élèves, en leur montrant qu’il suffit de changer d’optique pour transformer les échecs en réussites. Rachel vient de réaliser son objectif de devenir nutritionniste holistique certifiée, et elle tire beaucoup de satisfaction de la possibilité de mettre en pratique ses nouvelles perspectives et connaissances, au bénéfice de ses élèves et sa famille.

Mon père, Francesco Vigliatore, était un immigrant italien qui est arrivé à Toronto, Canada aux années 1960 avec seulement 200$ dans ses poches. Il caressait le grand rêve nord-américain et il a quitté son village natal en Calabre à la recherche du succès, du bonheur, et d’une vie meilleure. Il a fait venir sa femme, Anna, et le couple a eu trois fils. Leur vie a été un parcours de résilience, de persévérance et de passion. Mon père et ma mère sont donc parmi mes modèles de rôles en matière de résilience. En regardant mon père travailler dur en tant que mécanicien, puis comme entrepreneur, et évidemment comme parent, était toute la motivation dont nous avions besoin, mes frères et moi, en grandissant. Ma mère, pour sa part, était une coiffeuse de talent qui a opté de rester à la maison et prendre soin de ses enfants, en composant avec toutes les difficultés qui revenaient des longues heures de travail de son époux. C’était leur éthique de travailler dur pour le bien de leur famille. 

Très tôt dans leur mariage, Francesco et Anna ont pris la décision commune de se fixer la mission d’élever de « bons » enfants, en leur inculquant des habitudes et des comportements empreints de bonté et de générosité. Mon père, qui est maintenant octogénaire, a récemment expliqué ce que la notion de « bon » lui signifiait : être avant tout un bon père et un bon mari, et être une bonne personne au travail. Sa résilience était évidente dans sa capacité à mettre de côté sa propre gratification au bénéfice d’autrui, en priorisant toujours les besoins de ses enfants et ses employés.

Dans le domaine de l’éducation, nous sommes motivés surtout et toujours par le « POURQUOI » de notre métier. La capacité de mes parents à identifier leur POURQUOI est la qualité qui leur a permis d’être constants, forts et cohérents – physiquement, mentalement, et spirituellement – pour leurs fils, même par des périodes très difficiles et stressantes, lors d’élever leur famille et mener leur entreprise. Je suis certain que mes deux frères seraient d’accord pour dire que mes parents ont été nos modèles de rôles, et que nous réfléchissons souvent à la remarquable résilience de nos parents quand nous affrontons le stress dans nos propres vies. 

Mon père continue d’être un modèle de rôle pour moi en matière de persévérance et de résilience. En 2019, après avoir souffert pendant longtemps, il a enfin pris la décision de se faire opérer le genou, en disant qu’il lui était important de demeurer fort et utile pour sa famille, qu’il s’agissait de réparer nos voitures ou de jouer avec ses petits-enfants, pour n’en rien dire de ses activités d’entrepreneur, qui se poursuivent jusqu’à ce jour. Il avait une idée très claire du « POURQUOI », et cela a orienté son parcours de récupération et de reprise de ses rôles habituels de grand-père, de père, et d’époux. Son désir de surmonter les obstacles, en pensant toujours au bien de sa famille, est pour moi une référence et une motivation. Comme mon épouse, mon père a accepté les échecs et les écueils et les a utilisés pour alimenter son succès à long terme. Il est le premier à admettre qu’il n’aurait pas su se remettre sans l’aide et le soutien que ma mère lui a prodigués, en affirmant que c’était vers elle qu’il se tournait quand il souffrait le plus. Ça fait du sens : les modèles de rôles ont besoin eux aussi de leurs propres de modèles de rôle.

Maintenant plus que jamais, il est important de nous trouver des modèles de rôles. Pour moi, c’est quelque chose à rechercher pour notre âme, en essayant de trouver des personnes dont les comportements et les actions sont dignes de respect, et qui nous inspirent à devenir plus résilients, et meilleurs comme êtres humains. 

Les modèles de rôles qui m’entourent m’ont permis de développer le courage pour affronter les obstacles et les considérer comme occasions d’apprendre. À l’instar de mes modèles de rôle, la confiance en ma propre capacité à persévérer devant les situations difficiles, et la certitude que j’en sortirai plus fort, m’ont aidé énormément dans la lutte contre le stress au quotidien en lien avec la fatigue pandémique et l’enseignement.

Voici les qualités que je recherche dans un modèle de rôle :

1. Faire preuve d’intégrité et d’honnêteté lors de réagir aux obstacles et aux difficultés
2. Savoir définir explicitement son « POURQUOI », à savoir la source qui alimente sa passion de la vie
3. Adopter une perspective optimiste lors d’affronter les problèmes ou les situations difficiles

Cette pandémie a nous a jeté toutes sortes de défis, mais en même temps c’est une occasion d’apprendre et de mieux nous connaître. J’encourage tous les enseignants et enseignantes à trouver des modèles de rôles positifs et tirer inspiration de leur résilience. Cela ne pourrait que vous aider à affronter les obstacles dans votre vie personnelle, même les obstacles autrefois impensables, comme la fatigue pandémique et les collisions avec le « mur de la COVID ». 

Biographie de l'auteur :

Dan Vigliatore est enseignant d’éducation à la santé et EP avec 18 ans d’expérience sur le terrain. Il a obtenu un baccalauréat (Spec. Hon) en kinésiologie et un baccalauréat en éducation de l’Université York. Dan est également chargé d’instruction en EPS à l’Université York, et conseiller auprès de l’OPHEA.

Ouvrages cités

Berry B, Dickenson T, Harrist, J, Pomey K, Zheng J, Irvin M., et al. 2020. Teachers and teaching in the midst of a pandemic: Implications for South Carolina’s policy leaders. South Carolina Teacher Education, Columbia. Document consulté au site sc-teacher.org/wp-content/uploads/2020/08/TG_POLICY_FINAL_AUG5.pdf.

Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. (2020). Teacher Mental Health Check-In Survey. Canadian Teachers Federation, Ottawa, Ontario. p. 8. Document consulté au site vox.ctf-fce.ca/wp-content/uploads/2020/11/Doc-13-1-Pandemic-Research-Report-Teacher-Mental-Health-Check-in-Survey.pdf

Lear, S. (2020). COVID fatigue? Here are 6 ways to overcome it
It’s important to stay vigilant, especially if you are living with heart disease or stroke. Document consulté au site https://www.heartandstroke.ca/articles/covid-fatigue-here-are-6-ways-to-overcome-it