Série de billets de blogue « Enseignant la résilience » : Mon parcours continu de la maladie au bien-être

En tant qu’éducateurs et éducatrices, nous donnons inlassablement de notre temps, nous pensons toujours aux autres, nous avons une liste interminable de tâches à compléter, et nous veillons constamment aux besoins de nos élèves, de nos familles, de nos collègues, et de nos proches. Certes, ces qualités sont admirables, mais en même temps elles peuvent être dangereuses. 

Je me permets de le dire parce que je sais de première main. 

Comment? vous demandez. 

Quand je travaillais dans l’administration scolaire, je m’investissais cœur et âme dans la mission de m’assurer que toutes les autres personnes, et tous les points de ma liste de tâches à faire étaient les premières priorités, en négligeant mes propres besoins et mon propre bien-être. En conséquence, j’ai sombré dans l’épuisement professionnel! 

Qu’est-ce que c’est l’épuisement professionnel?

Lors de ma propre « crise de nerfs » je n’avais pas connaissance de la notion d’épuisement professionnel. L’expression « épuisement professionnel » a été définie initialement par Freudenberger (1975) et approfondie par Maslach, Shaufeli et Leiter (2009). Plus récemment, Emily et Amelia Nagoski (2020) ont apporté des nuances au concept. L’épuisement professionnel sous-entend la présence de trois phénomènes clés :

1. L’épuisement émotionnel – la fatigue qui nous terrasse quand nous nous soucions trop, pendant trop longtemps;
2. La dépersonnalisation – une diminution des sentiments d’empathie, de bonté, et de compassion (parfois appelée le cynisme), et
3. La diminution des sentiments d’efficacité et de satisfaction – un sentiment d’inutilité insurmontable; l’idée que tout ce que vous faites est nul (adapté de Nagoski & Nagoski, p. xi). 

Point intéressant : les recherches récentes de ces auteurs soulignent que, dans les métiers voués au bien-être des autres personnes – notamment l’éducation – l’épuisement professionnel est un problème particulièrement significatif, touchant jusqu’à 30% d’entre nous. 

Dans le cas d’un(e) enseignant(e) comment est-ce que l’épuisement professionnel pourrait se manifester? 

Voici quelques manifestations possibles :

• Au réveil, votre première pensée est comment m’y prendre pour aller au bout de la journée?
• Vous vous sentez rancunier ou débordé, même face à une simple demande
• Vous évitez d’entrer dans la salle des professeurs
• Vous mangez sur le pouce, seul(e), ou sans arrêter de travailler
• Vous n’arrivez pas à écarter le travail de votre esprit
• Vous parlez trop du boulot quand vous êtes chez vous

Vous retrouvez-vous dans cet ensemble de scénarios? Ou voyez-vous ces signaux d’alarme chez un(e) collègue? Dans l’affirmative, sachez que :

« Si vous ne prenez pas le temps pour prendre soin de votre bien-être, vous serez obligé de dégager du temps pour prendre soin de votre maladie. » À ce titre, je me permets de partager certaines des pratiques que j’intègre dans mon quotidien afin de me remettre de mon épuisement professionnel. Restez assurés que cette approche sert également à éviter le piège de l’épuisement professionnel. Comme j’ai appris, quand vous prenez soin de vous-même et vous vous rendez compte de l’importance de rester en santé, vous êtes d’autant mieux équipé(e) pour soutenir les autres personnes.

Pour ce qui est de mon propre parcours de guérison, j’ai commencé par me confier aux soins de mon médecin de famille et un conseiller. J’ai pris des médicaments pour traiter ma dépression et cela m’a procuré un certain soulagement et un peu d’espoir. En même temps, je me suis renseignée sur les approches non conventionnelles au bien-être et en fin de compte celles-ci ont eu une plus grande incidence sur ma santé physique, émotionnelle, mentale, et spirituelle. Soulignons que la décision quant aux professionnels que j’ai choisi de consulter n’était pas dichotomique. En revanche, j’ai profité du soutien synergique de plusieurs intervenants, une approche holistique pour ainsi dire.

Chacun trace son propre parcours personnel, empreint de courage et de vulnérabilité, pour achever et maintenir le bien-être. C’est un travail intérieur nécessitant un soutien important de l’extérieur. Ayez confiance en votre capacité à choisir les démarches et les intervenants qui sont les plus susceptibles de vous épauler personnellement. 

Le premier pas dans mon parcours de guérison s’est fait quand (au terme d’une réunion parentale désastreuse qui m’a fait effondrer) mon directeur d’école m’a ramenée dans mon bureau, a décroché le téléphone, et a appelé le service de counseling de notre district. J’étais reconnaissante de cette intervention parce qu’à l’époque je n’avais pas en moi la force, le courage, ni le savoir-faire de me prévaloir des services de counseling. Le conseiller m’a diagnostiqué une dépression. Ma dépression et mon incapacité à prendre en charge mes classes ont fini par déboucher sur un long congé médical. 

Une proche amie, ma voisine Marilyn, est une enseignante retraitée et elle comprenait trop bien mes problèmes. Chaque matin, lorsque nous promenions nos chiens, elle offrait une écoute attentive, et elle me donnait des conseils et un soutien solide, non seulement dans ses paroles mais également par les liens qu’elle avait avec d’autres personnes sur lesquelles je me suis appuyée dans mon parcours de guérison. Je me souviens que, le jour où Marilyn a recommandé que je prenne rendez-vous avec son naturopathe, je ne savais même pas ce qu’était un naturopathe. L’expérience d’être examinée de manière holistique m’était complètement nouvelle. Les manières douces et professionnelles de mon naturopathe m’ont aidé à me mettre sur la voie de la guérison.

Mon naturopathe m’a présentée à Deborah, une praticienne de ThetaHealing. ThetaHealing est une technique alliant la méditation et la philosophie spirituelle qui m’a aidée à me débarrasser des pensées négatives. J’ai appris à activer mon corps, mon cerveau, et mon esprit pour transformer les croyances contraignantes et progresser vers des perspectives plus positives.  

Marilyn m’a également mise en contact avec Ariel, une massothérapeute se spécialisant en Reiki. Le Reiki est un traitement japonais de réduction de stress et de relaxation qui favorise la guérison. 

Je suis devenue apprentie d’Ariel, suivant une formation pour devenir praticienne de Reiki. Durant ce processus, j’ai vécu une expérience marquante : dans un de nos cours, nous avons été invités à entrer dans le fond de nous-mêmes et retrouver notre enfant intérieur. Durant cet exercice, j’ai aperçu une enfant maigre, mal nourrie, qui criait à l’aide. J’ai fait tout mon possible pour la réconforter, mais elle était inconsolable. Cette expérience m’a secouée. Le temps venu de faire le bilan, j’ai fondu en larmes, en disant que je ne priverais jamais une enfant de l’amour et de la nourriture dont elle avait besoin! J’étais toute émue en discutant de l’expérience. Ariel m’a gentiment rappelé que la petite enfant était en fait moi, et que je souffrais justement parce que je ne prenais pas soin de moi-même. Une observation à la fois sidérante et révélatrice. Cette expérience m’a poussée à chercher activement d’autres possibilités de prendre en charge mon propre bien-être.

Mon amitié avec Marilyn m’a également amenée à faire la connaissance de Jaki, qui œuvre depuis une trentaine d’années dans les thérapies de guérison. Elle m’a appris l’importance d’envisager la guérison comme un parcours, me permettant d’accéder à différentes dimensions pour trouver la sagesse et le soutien. « Quand on entreprend un parcours, on est disposé à tirer des informations de la réalité non-ordinaire. Lorsque nous énonçons clairement nos intentions, notre parcours nous apporte des enseignements et des orientations provenant de ce qu’on pourrait appeler un point de vue supérieur. Les messages sont présentés sous forme de mots, images, et sensations. » (Geddes, 2007)

En plus, en compagnie de Jaki (Daniels), j’ai passé 10 mois vraiment transformateurs dans un programme non-culturel de roue médicinale. En conséquence, je me suis ouverte à la sagesse et aux connaissances de mes guides spirituels (les êtres appartenant à la réalité non-ordinaire avec lesquels j’ai communiqué). Ces exercices m’ont aidée à sonder les profondeurs, renforcer la confiance, et mieux me connaître à un niveau beaucoup plus large.

Durant mon parcours de guérison, je me suis renseignée sur Ia notion de la mentalité et notamment la puissante influence de notre esprit, qui peut aussi bien nous propulser vers de nouveaux sommets que nous mettre à genoux sous une avalanche de peur et de doute, dépendamment du message que nous choisissons d’écouter. 

Par exemple, je dois avouer que j’ai tardé à compléter ce billet de blogue. Je ne savais pas où donner de la tête. Je me suis convaincue que j’étais incompétente, inadéquate comme écrivaine, que j’étais un charlatan qui n’en savait rien sur le bien-être. C’étaient des accusations blessantes que je n’aurais jamais infligées à qui que ce soit. Heureusement, j’ai pu regagner un état d’esprit positif, avoir confiance en moi-même, et me permettre de partager mon message. Ce changement de perspective se doit à la conscience de soi et l’auto-compassion. Quand j’ai pris conscience de la nature de mes pensées, et du ton que j’employais à l’égard de moi-même et mon écriture, j’ai réorienté mes pensées et mon discours intérieur. En même temps, j’ai sollicité l’aide dont j’avais besoin, et j’ai accepté de discuter de mes problèmes. Toutes ces actions ont déclenché une vague d’encouragement (même de la part de ma voix intérieure) et d’espoir, et m’ont habilitée à achever mon article! 

Cette connaissance du fonctionnement de l’esprit, et cette capacité de me concentrer sur les dimensions qui sont sous mon contrôle ont eu un effet transformateur sur mon caractère. Je ne suis pas optimiste en permanence, mais je reconnais que j’ai le pouvoir de choisir mes mots, mes actions, mes habitudes, et mes valeurs, et orienter ma vie dans une direction positive.

J’habite à cinq minutes du Parc provincial Fish Creek, à Calgary, dans l’Alberta. C’est un bel espace vert avec des kilomètres de sentiers, un ruisseau, une abondance de flore et de faune, et une atmosphère de vivacité qui paraît émaner du terrain.  Durant mon congé médical, mes liens se sont renforcés avec Fish Creek et avec la Terre nourricière. 

Évidemment, la plupart d’entre nous aiment passer du temps dans la nature et avec raison, parce que cette pratique est très salutaire! Les recherches nous disent que « le choix de passer au moins 120 minutes par semaine dans la nature contribue à la bonne santé et au mieux-être » (White et al, 2019). 

À l’époque, je ne me rendais pas compte de ce penchant subconscient pour me retrouver dans l’environnement naturel. Je me plaisais à m’asseoir ou m’étendre sur le sol de la Terre-mère et écouter le ruisseau qui coulait. Je regardais le ciel bleu ou couvert. Je me sentais comme bercée, nourrie, et à chaque fois je rentrais chez moi ressourcée, pleine d’espoir, et moins déprimée.

Peu importe le stade où vous en êtes dans votre carrière d’enseignant(e), j’espère que vous prenez le temps de prendre soin de vous-même. Soyez sensible à votre état d’esprit, et reconnaissez les signes de l’épuisement professionnel. Écoutez les personnes de confiance dans votre entourage, et sachez qu’il est possible de guérir, de remonter la pente. Ayez confiance que vous trouverez les personnes, les pratiques, et les démarches qui répondent à vos besoins.

Rappelez que votre parcours de guérison vous est propre, et respectez cette même singularité. 
Avant tout, faites preuve d’égard et d’humanité envers vous-même, tout comme vous le feriez pour un cher ami. En d’autres mots, « Prenez le temps de veiller à votre bien-être, pour ne pas avoir à dégager du temps pour une maladie. »

Biographie de l'auteur :

Joyce Sunada, éducatrice de mieux-être, a cumulé plus de 30 ans d’expérience à titre d’éducatrice. Elle a exercé les fonctions d’enseignante, administratrice, professeure, et leader provincial dans la création et la prise en charge de communautés scolaires en santé. Joyce est récipiendaire d’un Prix des champions des écoles en santé d’EPS Canada. Elle a également été mise à l’honneur par le HPEC pour ses contributions à l’éducation physique et à la santé dans l’Alberta. Durant la période de confinement de la COVID-19, Joyce a pris un congé de plusieurs mois de ses activités de conférencière, dans le but de faire une réflexion sur ce qui avait une véritable signification dans sa vie. Cet exercice lui a permis de mettre en place des habitudes de vie durables, pour passer de la parole aux actes et soutenir les autres personnes qui cherchent à emprunter un parcours similaire. En date de janvier 2022, Joyce est retraitée et elle profite de son horaire moins chargé pour passer du temps en compagnie de son petit-fils, Deacon, qui a 9 mois.

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Remarque : un compte rendu plus détaillé de mon parcours à travers l’épuisement professionnel et la maladie est inclus dans l’ouvrage suivant, qui sortira prochainement : 
Lawson, J., Gander, S(Eds). “Teacher Take Care: A practical guide to workplace wellness and well-being for educators.” Portage and Main Press, 2022; cet ouvrage sera mis à la disposition du corps enseignant

Références

Daniels, Jaki. (2020). About Jaki. https://www.jakidaniels.com/about

Freudenberger, H. J. (1975). The staff burn-out syndrome in alternative institutions. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 12(1), 73–82. https://doi.org/10.1037/h0086411

Geddes, Marilyn. (2007). Ask the Very Beasts - Words & Comfort from Unexpected Sources.

Learoyd, Ariel (2020). About Ariel www.ariellearoyd.com

Maslach, Shaufeli & Leiter (2009). Burnout: 35 Years of Research and Practice.

Nagoski, E. & A. Nagoski. (2020). Burnout. New York. Ballantine Books.

Rand, William Lee. (2005). “Reiki” the Healing Touch First and Second Degree Manual.

Roy, Catherine B. https://catherinebroy.com

Stibal, Vianna. (1995). Theta Healing https://www.theahealing.com/about-thetahealing.html

White M., I. Alcock, J. Grellier, B. Wheeler, T. Hartig, S. Warber, A. Bone, M. Depledge & L. Fleming. (2019). Spending at least 120 minutes a week in nature is associated with good health and wellbeing. https://www.nature.com/articles/s41598-019-44097-3